Le 14 février 2024 – 18h30 par le Révérend Père Eric Lorinet
‘Et si le Carême était un temps de joie ? Pas de celle du janséniste masochiste qui ne rêve que de privations mais de celle de l’enfant bien-aimé que son Père appelle à revenir. Certes, il y a une part de combat mais habité par l’amour divin qui suscite le nôtre en réponse.
Mais alors, quoi faire ? Et un débat se lance entre d’une part les partisans de la pratique extérieure pour qui il faut faire quelque chose de concret et se priver, et d’autre part ceux qui militent pour la conversion intérieure. Comme d’habitude, la vérité est au milieu et là, les deux ont raison : il faut articuler l’intérieur et l’extérieur, la conversion et la pratique, chacun étant signe de l’autre et lui donnant du sens.
La nécessité de la conversion est claire et le prophète Joël le dit : revenir à Dieu, déchirer son cœur, c’est-à-dire enlever les scories qui l’ont emprisonné ou détourné du chemin de Dieu. De fait, le but du Carême n’est pas le temps en lui-même mais la fête de Pâques qui est au bout. Si l’on veut mettre nos pas dans ceux du Christ qui fait don de sa vie pour nous sauver et nous offrir l’adoption divine, il faut se préparer et on a besoin de tout ce temps parce que le retournement demandé n’est pas évident du tout. Se laisser aimer par Dieu, recevoir sa grâce et accepter qu’elle nous transforme est difficile. C’est pour cela que Paul supplie les Corinthiens de se laisser réconcilier. On se trompe parfois de combat : il n’est pas dans le fait d’approcher le Christ mais de le laisser s’approcher de nous, c’est-à-dire mettre son nez dans nos petites affaires, les belles et les pas belles !
Et comme nous sommes corps, cœur et cerveau, pour que la conversion soit réelle et nous concerne tout entier, il faut bien une pratique concrète et il y a le choix ! Les 3 pistes proposées par le Christ ouvrent de nombreuses possibilités : l’aumône, pour développer notre relation à autrui en aidant ceux qui sont dans le besoin ; la prière pour approfondir notre relation à Dieu ; le jeûne pour réguler les besoins de notre corps et de notre psychisme et retrouver un bon équilibre physique et mental. Dans chacun de ces axes, on se rapproche de Dieu : l’aumône parce que tout ce que nous ferons à l’un de ces petits qui sont les frères du Christ Jésus, c’est à lui que nous le ferons ; la prière, c’est évident et le jeûne parce qu’en nous désencombrant du superflu, nous serons disponibles pour Dieu et pour les autres et nous grandirons en humanité.
Tout cela doit commencer maintenant, dit Paul : « c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut ». Tout le monde connaît le principe de la bonne résolution de l’ivrogne : « Demain, j’arrête de boire » ! Et tout le monde sait où ça mène : à rien ! Alors, commençons maintenant. Pas de prouesses héroïques ni de grandes résolutions qui nous feront désespérer et renoncer quand nous échouerons à les tenir, mais des petits pas, appuyés sur ce que nous faisons déjà de bon et de beau. Dans les scrutins, les catéchumènes prient (et nous aussi) pour que Dieu fortifie ce qu’il y a de bon en eux et guérisse ce qu’il y a de mauvais. Il faut bien appuyer la 2° proposition de la phrase sur la 1°.
Alors, oui, ce temps de Carême sera un temps de joie, la joie de retrouver les piliers de notre vie de baptisés, la joie de regagner le chemin de l’alliance avec Dieu, la joie de le laisser s’approcher de nous pour nous inonder de sa lumière et de son amour. Amen’.