Le Père Bernard Devert, a été nommé le 5 juillet président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées. L’Etat laïc a nommé un prêtre à la tête d’un organisme officiel; cela vaut d’être souligné. Il doit nécessairement y avoir une raison forte.
Sa nomination doit être saluée. Il est l’un des acteurs majeurs du logement social en France, d’un apostolat vrai en faveur du logement des plus pauvres d’entre nous.
Mais soyons plus précis : le logement, quelle importance ? le Haut comité, quesaquo ? le Père Devert, qui est-il ?
Un logement d’abord : voici la condition grâce à laquelle un individu existe dans le groupe, au plan social. C’est un lieu de sécurité, de protection contre l’extérieur, forcément hostile: les hommes, les bêtes, les éléments climatiques. C’est ensuite l’enceinte de la pudeur, de l’intimité qui est essentielle à la dignité. Un logement est donc à soi seul un univers, un royaume. C’est la revendication première.
Un logement décent est ensuite la condition de l’épanouissement d’un individu, et de sa famille. Il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’un logement soit chauffé, la cuisine équipée, les sanitaires à l’intérieur, la cage d’escalier propre.
Le 1er février 1954, au plus fort d’un hiver terrible, l’abbé Pierre lança un appel qui eût un énorme retentissement, et qui reste présent dans toutes les mémoires. Un coup de gueule salutaire, qui a insufflé une nouvelle politique du logement.
Le 14 juillet 1992, l’abbé Pierre recommença. Il refusa la dignité de grand officier de la Légion d’honneur. Il demanda au gouvernement de déclarer le manque de logements « catastrophe nationale », et d’instaurer un « Haut comité pour le logement des personnes défavorisées ». Dès le mois de décembre, le Haut comité était créé.
En 1985, il y a 35 ans, un prêtre de Lyon qui avait été un professionnel de l’immobilier, créa le mouvement « Habitat et humanisme ». Le Père Bernard Devert a fédéré d’un projet innovant plus de 4 000 bénévoles. Les résultats sont impressionnants. Habitat et humanisme est une fédération qui regroupe plus de 56 associations couvrant 80 départements, 1 association en Belgique, 2 sociétés foncières. Ce n’est pas tout : l’association « la pierre angulaire » gère un réseau de 40 EPHAD. En 2020, Habitat Humanisme gérait 9 500 logements, et a pu loger 1 800 nouvelles familles. Une formidable réussite…
Parce que, à mes yeux, le Père Bernard Devert a su mettre en oeuvre deux principes : le principe de solidarité et le principe de mixité. C’était nouveau. On était habitué à des immeubles collectifs, des quartiers différenciés : les pauvres entre eux, les familles aisées entre elles. Il va bouleverser le schéma.
On adhère à Habitat et humanisme pour manifester concrètement sa solidarité envers plus défavorisés. La solidarité n’est pas uniquement financière : donner, c’est bien, mais pas suffisant. La solidarité se manifeste aussi sur le plan humain par l’accompagnement des individus, des familles.
Les différentes catégories sociales ne pourraient-elles cohabiter au sein d’un même immeuble ? Loger une famille pauvre dans un immeuble bourgeois : une révolution. Le Père Devert a mis en oeuvre le principe de mixité. C’était renouer avec une tradition ancestrale, mais il fallait oser. Formidable pari dont la réussite a été favorisée par l’accompagnement des familles par des bénévoles.
Souhaitons au Père Devert de pleinement réussir à la tête du Haut comité.