De l’audace, encore de l’audace !
La nomination de madame RORET, nouvelle directrice de l’ENM, école nationale de la magistrature
Ce fut une immense surprise que la nomination de Maître Dupont Moretti comme ministre de la justice, garde des sceaux. Il a abandonné, au moins momentanément, sa robe d’avocat pour devenir, oserai-je dire, le « patron » des magistrats. Lui qui avait tonné contre la magistrature, les magistrats en termes vifs. Il avait ses raisons, mais le moins que l’on puisse dire est que les relations étaient tendues, voire détestables, en tout cas peu amènes. Et à la nouvelle de la nomination, certains magistrats y ont vu une déclaration de guerre. Ambiance garantie !
Depuis, l’affaire des « fadettes » n’a pas arrangé les choses. Des magistrats du parquet national financier avaient passé beaucoup de temps, et donc dépensé beaucoup d’argent, à enquêter sur les appels téléphoniques de N. Sarkozy et de son avocat Me Herzog, donc éplucher ce que l’on appelle des fadettes, dans l’espoir de découvrir la soi-disant taupe qui, selon un scénario imaginaire, aurait prévenu les deux personnes qu’elles étaient sur écoute, ce qui aurait expliqué qu’elles cessent brusquement toutes conversations par téléphone. Me Dupont Moretti s’est trouvé dans l’œil du cyclone, son nom cité, ses fadettes épluchées. Le ministre de la justice a ordonné une enquête disciplinaire contre trois magistrats, dont l’ancienne patronne du parquet national financier qui, semble-t-il, refusait de répondre par avance de répondre aux questions, mais accordait un grand interview à Paris Match. Ca n’a plu aux magistrats.
Et maintenant voici qu’une nomination remet le feu aux poudres. Monsieur Dupont Moretti a proposé la nomination d’un nouveau directeur à l’Ecole nationale de la magistrature, qui est à Bordeaux. En fait, une directrice, une femme. Une première depuis sa création en 1958. Et pas n’importe qui : une avocate. Presque une provocation. Il s’agit de Nathalie Roret, avocate et vice-bâtonnière du barreau de Paris. C’est une avocate pénaliste dont le talent et la compétence sont unanimement reconnus. Elle s’est illustrée dans des dossiers sensibles comme Buffalo Grill, la vache folle. Elle a manifesté contre la réforme des retraites.
Ce qui doit retenir l’attention tout particulièrement, c’est que c’est une femme de dialogue. Il faut savoir que depuis 3 ans les relations à Paris entre magistrats et avocats étaient tendues, dans un climat désastreux. Elle a su discuter, apaiser, réparer. Avec les nouveaux chefs de juridiction, elle a su rétablir le dialogue. Cela mérite d’être souligné. C’est donc une femme qui a du charisme, qui sait écouter. Il faudra bien toutes ses qualités pour prendre ses fonctions face à un corps qui risque de ne pas lui être favorable a priori. On verra bien. Aura-t-elle l’habileté d’un cardinal Mazarin, qui fut un diplomate surdoué ; je le souhaite.
Car j’espère que les relations entre les magistrats et les avocats s’engagent dans un dialogue pacifié, confiant, un dialogue intelligent. Il y a beaucoup à faire. Depuis de nombreuses années, les relations entre les deux parties sont tendues, difficiles globalement, même s’il existe des exceptions agréables mais trop rares. Il est vrai que le rôle de chacun est différent, voire opposé. Les avocats peuvent être perçus comme des empêcheurs de tourner en rond. Les magistrats qui jugent, sont parfois bien sévères. Il ne peut naître que de l’incompréhension pour le moins.
Courage, madame Roret. Ce sera difficile, mais passionnant de construire un nouveau monde.