Ce fut une immense surprise que la nomination de ce ténor au poste de ministre de la justice. D’aucuns n’ont retenu que son côté « grande gueule ». Il fait partie de ces gens qui ont dénoncé les faux-semblants, faux-fuyants de l’appareil judiciaire, et parfois usé de formules-choc. Il fallait du courage. Un grand avocat comme Maurice Garçon ne fut pas plus tendre.
M. Dupond Moretti a, lors de la passation de pouvoirs, le jour où l’avocat est devenu ministre, tenu des propos mesurés d’apaisement, de conciliation, de réconciliation. Je n’attendais pas moins, moi modeste avocat, du fond de ma province. A l’imbécillité, il a su opposer la mesure, en un mot l’intelligence.
Car c’est un homme intelligent. Il n’a pas gagné tant de batailles judiciaires avec seulement des coups de gueule. On ne combat l’injustice, l’intolérance si bien dénoncée par Voltaire qu’avec l’esprit, la finesse, la mesure. On retrouve Mazarin. Car on ne gagne une cause qu’en séduisant le juge par la logique et la puissance du raisonnement. Pour démontrer que vous pourriez avoir tort et que je pourrai avoir raison, il va me falloir vous travailler au corps, expliquer, démontrer, séduire, convaincre. Alors ce sont les phrases sobres, les explications logiques, qui l’emportent, pas les imprécations. De l’intelligence, et beaucoup de travail.
Souhaitons-lui … quoi ? bonne chance, c’est banal. Souhaitons-lui, bon courage, car sa tâche ne va pas être simple, ni facile.
Dans son allocution, M. DUPOND MORETTI a annoncé qu’il s’attaquerait au problème de l’indépendance de la justice. C’est un immense chantier.
Le débat, ancien, mélange séparation des pouvoirs et indépendance, deux notions différentes. Le débat est confus ; on appelle même à la rescousse Montesquieu auquel on fait dire ce qu’il n’a pas dit.
La Justice en France est une Autorité. Il n’y a pas de pouvoir judiciaire comme il existe un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif. La raison est simple : les magistrats ne rendent pas compte comme les présidents, députés, sénateurs le font par le biais de l’élection. Peut- être pourrait-on s’inspirer du système anglo-saxon, et élire nos juges ?
En revanche, l’article 64 de la Constitution prévoit que le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Une justice indépendante : oui, mais de qui ? et comment ? La Justice doit être à l’abri des pressions du pouvoir politique ou de l’opinion publique. Les gouvernements comme les médias sont de dangereux compères dont les magistrats doivent se défier. Nous reparlerons de tout cela.
Je vous quitte, déjà. J’aurai voulu vous parler d’Hong Kong, une nouvelle fois. Là- bas, se joue peut être une partie de nos libertés et de notre avenir.