LETTRE À UN CONDAMNÉ, Valence le 5 avril 2009

condamne

Vous avez été condamné, et ne comprenez pas. Vous criez à l’injustice. Vous n’êtes pas le seul à vous plaindre. La cohorte est immense.
C’est que vous demandez la perfection.

Vous oubliez que le Palais de justice est l’endroit où se débitent le plus de mensonges, et que les magistrats font bien ce qu’ils peuvent. Il n’est pas facile de discerner la vérité; sur terre, n’est-elle pas une illusion ? Le Juge est comme ce philosophe grec qui cherchait la vérité une faible lampe à la main. Comprenez: ce n’est pas si simple. Il n’est pas facile de rendre la justice. Croyez le bien. Regardez le procès de Galilée!

Et puis. Avez-vous dit la vérité? Etes- vous sûr? Ne jurez pas. Vraiment, êtes-vous sûr de n’être pas coupable? Vous ne pouvez pas le démontrer, n’est- ce pas? Ah! Vous dites avoir un témoin. Mais connaissez- vous l’adage latin « testis unus. testis nullius » ? je vais expliquer. Votre témoin est nécessairement partial. Et a-t-il un témoin qui prouve qu’il était témoin? C’est vous, n’est- ce pas, qui l’avez impressionné. Je me trompe, dites- vous! Mais qu’est ce qui le prouve?

Le plus curieux est que si la justice fait nombre d’aigris, eh bien, le plus étonnant est que tous en redemandent. C’est vrai: elle est sans doute un mal nécessaire ou un bien imparfait. Et peut- être que si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer. Vous ne savez pas combien elle est le seul vecteur de progrès sur terre. Vous ne connaissez pas le prix que certains eussent payé pour pouvoir parler à un Juge, fut-il sourd ou aveugle, pour avoir le droit à la parole: interrogez l’histoire, et demandez aux esclaves. Vous dites, avec raison, que cela ne sert à rien d’avoir des droits si on ne peut les exercer, si la justice est froide, lointaine, inaccessible, semée d’embûches procédurales compliquées à plaisir. Mais elle est irremplaçable.

Vous ne comprenez donc pas que partout elle n’a que de faibles moyens, que curieusement elle n’est pas encore devenue une urgence nationale, et que sans doute elle ne le deviendra jamais.
Vous oubliez que la justice est là pour dire le droit, c’est à dire mettre chacun à sa place. Elle est un instrument d’administration, de police, pour assurer l’ordre, le maintien de l’ordre. N’est- ce pas ce que vous voulez: l’ordre, la sécurité. Alors, rien n’est parfait. Vous êtes trop exigeant. La justice n’est pas une science exacte. Il y a des erreurs. Qui ne se trompe pas? Vous ne vous trompez pas, vous? L’essentiel est cependant assuré: notre système est respecté, notre gouvernement obéi.

Peut- être un jour, mais ailleurs, vous découvrirez une autre justice, celle qui ne condamne pas, celle qui découvre les talents (cela sous rappelle un souvenir?), celle qui juge, puis pardonne et enfin relève. Mais c’est une autre histoire.

Bonne chance. Il faut croire. Mais à quoi donc, me direz-vous ? En vous d’abord, …..
En attendant, vous devez payer, et rendre à César ce qui est à César. Et remerciez votre juge de vous avoir fait rêver…d’une autre justice !

Dominique Fleuriot, Docteur en droit, Avocat au barreau de Valence

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